Veille juridique en droit social – COVID-19 – 2 avril 2020
Publication d’Ordonnances prises en application de la Loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19
1 | Mesures d’urgence relatives aux instances représentatives du personnel (Ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020, Journal Officiel du 2 avril 2020) :
L’article 1er vise, en premier lieu, à permettre la suspension immédiate de tous les processus électoraux en cours dans les entreprises à la date de publication de la présente ordonnance.
Cette suspension produit par principe ses effets à compter du 12 mars 2020. Toutefois, lorsque le processus électoral a donné lieu à l’accomplissement de certaines formalités après le 12 mars 2020, la suspension prend effet à compter de la date la plus tardive à laquelle l’une de ces formalités a été réalisée. Elle prend fin trois mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire.
Cette suspension affecte l’ensemble des délais du processus électoral : tant les délais impartis à l’employeur que les délais de saisine de l’autorité administrative ou du juge en cas de contestation et les délais dont dispose l’autorité administrative pour rendre une décision.
La suspension du processus électoral entre le 1er et le 2ème tour, lorsqu’il doit être organisé, ne remet pas en cause la régularité du premier tour quelle que soit la durée de la suspension. En outre, l’organisation d’une élection professionnelle, qu’il s’agisse d’un 1er ou d’un 2ème tour, entre le 12 mars et l’entrée en vigueur de l’ordonnance n’a pas d’incidence sur la régularité du scrutin.
Enfin, compte tenu du report des élections professionnelles programmées pendant la période de suspension, l’article 1er rappelle que les conditions d’électorat et d’éligibilité s’apprécient à la date de chacun des deux tours du scrutin.
L’article 2 impose aux employeurs qui doivent engager le processus électoral de le faire dans un délai de trois mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Sont concernés, d’une part, les employeurs dont l’obligation d’engager le processus électoral nait après l’entrée en vigueur de l’ordonnance et, d’autre part, les employeurs qui, bien qu’ayant l’obligation de le faire, n’ont pas engagé le processus électoral avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance.
L’article 3 prévoit des garanties importantes concernant le statut et la protection des représentants du personnel dans l’exercice de leurs mandats pendant la période de mise en œuvre différée des processus électoraux.
Il est à ce titre prévu, en premier lieu, que les mandats en cours des représentants élus des salariés sont prorogés jusqu’à la proclamation des résultats du premier ou, le cas échéant, du second tour des élections professionnelles.
En second lieu, la protection spécifique des salariés candidats et des membres élus de la délégation du personnel du CSE, titulaires ou suppléants ou représentants syndicaux au CSE notamment en matière de licenciement est prorogée jusqu’à la proclamation des résultats du premier ou, le cas échéant, du second tour des élections professionnelles.
L’article 4 a pour objet de dispenser l’employeur d’organiser des élections partielles lorsque la fin de la suspension du processus électoral intervient peu de temps avant le terme des mandats en cours.
En temps normal, les élections partielles doivent être organisées par l’employeur dès lors qu’un collège électoral d’un CSE n’est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel du CSE est réduit de moitié ou plus et si ces événements interviennent moins de six mois avant le terme du mandat des membres de la délégation du personnel du CSE.
Les dispositions prévues à l’article 4 prévoient spécifiquement que dès lors que la fin de la suspension du processus électoral prévue par la présente ordonnance intervient moins de six mois avant le terme des mandats en cours, l’employeur n’est pas tenu d’organiser les élections partielles, que le processus électoral ait été engagé ou non avant ladite suspension.
L’article 5 neutralise les effets de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 afin de ne pas cumuler la suspension du processus électoral et les mesures de prorogation des délais légaux prévues dans ladite ordonnance.
L’article 6 élargit à titre dérogatoire et temporaire la possibilité de recourir à la visioconférence pour tenir les réunions des CSE et des CSE centraux. En effet, en l’absence d’accord entre l’employeur et les membres élus du comité, le recours à la visioconférence est actuellement limité à trois réunions par année civile.
De plus, l’ordonnance permet, également à titre dérogatoire et temporaire, l’organisation de réunions de ces comités par conférence téléphonique et messagerie instantanée. L’employeur ne peut avoir recours au dispositif de messagerie instantanée que de manière subsidiaire, en cas d’impossibilité d’organiser la réunion du comité par visioconférence ou conférence téléphonique.
Ces dispositions dérogatoires et temporaires sont applicables aux réunions convoquées jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire. Elles sont également applicables à toutes les autres instances représentatives du personnel régies par les dispositions du code du travail.
Un décret doit être publié afin de fixer les conditions dans lesquelles les réunions tenues dans ce cadre se déroulent.
Enfin, l’article 7 modifie les articles 5, 6 et 7 de l’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos pour adapter les règles applicables en matière d’information et de consultation du CSE aux mesures prises en urgence par l’employeur pour adapter à la hausse ou à la baisse la durée du travail applicable dans l’entreprise.
Le droit commun prévoit que le CSE est préalablement informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur la durée du travail : il dispose d’un mois à compter de sa saisine pour rendre son avis.
Afin de garantir l’effet utile des dispositions d’urgence prévues par l’ordonnance du 25 mars 2020, il est proposé, à titre exceptionnel, que le comité soit informé concomitamment à la mise en œuvre, par l’employeur, d’une faculté ou d’une dérogation offerte par les articles 2, 3, 4, 6 et 7 de cette ordonnance (jours de repos imposés ou modifiés, dérogations aux durées maximales de travail et aux durées minimales de repos, dérogation au repos dominical), son avis pouvant être rendu dans un délai d’un mois à compter de cette information.
2 | Modifications de la date limite et des conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Ordonnance n° 2020-385 du 1er avril 2020, Journal Officiel du 2 avril 2020) :
Cette ordonnance assouplit les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat prévue par la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.
Elle reporte la date limite de versement de la prime du 30 juin au 31 août 2020.
Elle permet à toutes les entreprises de verser cette prime exceptionnelle exonérée, jusqu’à 1.000 euros, de cotisations et contributions sociales et d’impôt sur le revenu, sans avoir à mettre en œuvre un accord d’intéressement.
Pour les entreprises mettant en œuvre un accord d’intéressement, ce plafond est relevé à 2.000 euros.
La possibilité de conclure un accord d’intéressement d’une durée dérogatoire est reportée, comme la date limite de versement de la prime, au 31 août 2020.
Afin de permettre de récompenser plus spécifiquement les salariés ayant travaillé pendant l’épidémie de covid-19, un nouveau critère de modulation du montant de la prime pourra également être retenu par l’accord collectif ou la décision unilatérale de l’employeur mettant en œuvre cette prime. Il sera ainsi désormais possible de tenir compte des conditions de travail liées à l’épidémie.
3 | Mesures d’urgence en matière de formation professionnelle (Ordonnance n° 2020-387 du 1er avril 2020, Journal Officiel du 2 avril 2020) :
L’article 1er diffère jusqu’au 31 décembre 2020 la réalisation par l’employeur des entretiens d’état des lieux du parcours professionnel de chaque salarié, ainsi que la mesure transitoire prévue par l’ordonnance n° 2019-861 du 21 août 2019 qui permet à l’employeur de satisfaire à ses obligations en se référant soit aux dispositions en vigueur au 31 décembre 2018, soit en prenant en compte celle issue de la loi du 5 septembre 2019.
Il suspend également jusqu’au 31 décembre 2020 l’application des sanctions prévues par la loi dans le cas où ces entretiens n’auraient pas été réalisés dans les délais.
L’article 3 autorise la prolongation des contrats d’apprentissage et de professionnalisation, pour tenir compte de la suspension de l’accueil des apprentis et des stagiaires par les centres de formation d’apprentis et les organismes de formation depuis le 12 mars 2020. L’objectif est de permettre aux parties, si elles le souhaitent, de prolonger les contrats afin qu’ils puissent couvrir la totalité du cycle de formation.
Il est également rendu possible de prolonger la durée pendant laquelle un jeune peut rester en formation dans un centre de formation des apprentis sous le statut de stagiaire de la formation professionnelle en attente de la conclusion d’un contrat d’apprentissage. Cette période est en principe de trois mois, mais elle sera rallongée à six mois, compte tenu des circonstances exceptionnelles liées à la crise sanitaire qui ne facilitent pas la recherche d’un employeur.
4 | Adaptation des conditions d’exercice des missions des services de santé au travail à l’urgence sanitaire (Ordonnance n° 2020-386 du 1er avril 2020, Journal Officiel du 2 avril 2020) :
L’ordonnance vise à aménager les modalités de l’exercice par les services de santé au travail de leurs missions et notamment le suivi de l’état de santé des salariés.
L’article 1er prévoit que les services de santé au travail participent, pendant la durée de la crise sanitaire, à la lutte contre la propagation du covid-19, notamment par la diffusion de messages de prévention à l’attention des employeurs et des salariés, l’appui aux entreprises dans la mise en œuvre de mesures de prévention adéquates et l’accompagnement des entreprises amenées à accroître ou adapter leur activité.
L’article 2 prévoit que le médecin du travail peut prescrire et renouveler un arrêt de travail en cas d’infection ou de suspicion d’infection au covid-19 et procéder à des tests de dépistage du covid-19, selon un protocole défini par arrêté des ministres chargés de la santé et du travail et dans des conditions définies par décret.
L’article 3 prévoit que les visites qui doivent être réalisées à compter du 12 mars 2020 dans le cadre du suivi de l’état de santé des travailleurs peuvent être reportées, sauf lorsque le médecin du travail les estimerait indispensables.
Un décret en Conseil d’Etat doit préciser les modalités d’application de cet article, notamment pour les travailleurs faisant l’objet d’un suivi individuel renforcé car exposés à des risques particuliers, ou d’un suivi adapté : travailleurs de nuit, travailleurs handicapés ou titulaires d’une pension d’invalidité, mineurs, femmes enceintes, venant d’accoucher ou allaitantes.
Le report de la visite ne fait pas obstacle, le cas échéant, à l’embauche ou à la reprise du travail.
L’article 4 permet également le report ou l’aménagement des autres catégories d’interventions des services de santé au travail dans ou auprès de l’entreprise sans lien avec l’épidémie (études de poste, procédures d’inaptitude, réalisation de fiches d’entreprise, etc.), sauf si le médecin du travail estime que l’urgence ou la gravité des risques pour la santé des travailleurs justifient une intervention sans délai.
L’article 5 précise que les dispositions permettant les reports de visites ou d’interventions sont applicables jusqu’à une date fixée par décret, et au plus tard le 31 août 2020. Les visites qui se seraient vues reportées après cette date en application de l’article 3 doivent être organisées avant une date fixée par décret, et au plus tard le 31 décembre 2020.