Veille juridique en droit social – Acquisition des congés payés en cas d’arrêt de travail
AMENDEMENT AU PROJET DE LOI « D’ADAPTATION AU DROIT DE L’UNION EUROPEENNE » CONCERNANT L’ACQUISITION DES CONGES PAYES EN CAS DE D’ARRET DE TRAVAIl
Pour rappel, auparavant, en droit français, sauf dispositions conventionnelles plus favorables :
- Un salarié arrêté pour maladie simple n’acquérait aucun droit à congés payés durant cette absence ;
- Un salarié arrêté suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle continuait à acquérir des droits à congés payés durant cette absence mais uniquement dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an.
Par plusieurs arrêts du 13 septembre 2023, la Cour de cassation a toutefois opéré un revirement de jurisprudence majeur concernant les règles d’acquisition des congés payés durant les arrêts de travail pour maladie simple et les arrêts de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle afin de se conformer au droit de l’union européenne.
Elle considère ainsi désormais que le salarié acquiert des droits à congés payés pendant les périodes de suspension de son contrat de travail pour cause de maladie non professionnelle ou pour cause de maladie professionnelle ou accident du travail au-delà d’un an ininterrompu.
A cette occasion, elle a également précisé également que :
- Lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l’année de référence en raison de l’exercice de son droit au congé parental, les congés payés acquis à la date du début du congé parental doivent être reportés après la date de reprise du travail.
- Le point de départ du délai de prescription de l’indemnité de congés payés doit être fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris dès lors que l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé.
Depuis ces arrêts, une modification législative était attendue afin de mettre le droit français en conformité avec le droit de l’union européenne.
A cette fin, le Gouvernement a, le 15 mars dernier, déposé un amendement visant à modifier les dispositions du Code du travail en la matière (amendement consultable dans son intégralité via le lien suivant : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/2334/AN/44.rtf).
Cet amendement au projet de loi « d’adaptation au droit de l’Union européenne » a été adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale le 18 mars dernier.
Cet amendement prévoit :
1 | Assimilation des périodes d’arrêt de travail à du temps de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés :
Actuellement, l’article L. 3141-5, 5° du Code du travail précise que :
« sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé […] les périodes, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle ».
L’amendement vient supprimer les termes « dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an ».
À l’avenir, en cas d’arrêt de travail lié à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, l’acquisition des congés payés se poursuivrait donc au-delà d’un an.
Par ailleurs, il est ajouté un 7° à cet article, qui vise désormais l’accident et la maladie n’ayant pas un caractère professionnel.
En cas d’arrêt de travail n’ayant pas un caractère professionnel, le salarié continuerait donc d’acquérir des congés payés.
2 | Limitation de l’acquisition à 4 semaines de congés payés pour les arrêts de travail n’ayant pas un caractère professionnel :
L’amendement propose d’ajouter un article L. 3141-5-1 au Code du travail.
Ainsi, un salarié qui n’aurait pas travaillé pendant toute une période de référence en raison d’un arrêt de travail n’ayant pas un caractère professionnel, acquerrait des congés payés à raison de 2 jours ouvrables par mois (dans la limite de 24 jours ouvrables par période de référence).
Le salarié en arrêt pour accident du travail ou maladie professionnelle continuerait, lui, à acquérir des congés payés à raison de 2,5 jours ouvrables par mois (dans la limite de 30 jours ouvrables par période de référence).
3 | Période de report :
Trois nouveaux articles seraient insérés dans le Code du travail (articles L. 3141-19-1, L. 3141-19-2 et L. 3141-19-3) afin de régir les règles de report des congés payés non pris :
- Mécanisme de report et d’extinction des congés payés:
Lorsque le salarié serait dans l‘impossibilité, du fait d’un arrêt de travail d’origine professionnelle ou non, de prendre au cours de la période de prise de congés payés tout ou partie des congés payés acquis, celui-ci bénéficierait d’une période de report de 15 mois afin de pouvoir les utiliser.
A défaut d’utilisation au cours de cette période, ceux-ci seraient définitivement perdus.
Cette période débuterait à la date à laquelle le salarié recevra, postérieurement à sa reprise, l’information à la charge de l’employeur (cf. point ci-après).
- Situation des congés acquis pendant un arrêt de travail:
Pour les congés payés acquis pendant l’arrêt de travail :
– Si la suspension est inférieure à 1 an, le salarié bénéficierait d’une période de report de 15 mois à compter de sa reprise. Cette période débuterait à la date à laquelle le salarié recevrait, postérieurement à sa reprise, l’information à la charge de l’employeur (cf. point ci-après).
– Si le salarié est en arrêt de travail depuis au moins un an à la fin de la période d’acquisition, la période de report de 15 mois débuterait à la fin de la période d’acquisition.
- Obligation d’information de l’employeur afin que la période de report commence à courir:
A l’issue d’une période d’arrêt du travail d’un salarié, l’employeur devrait porter à sa connaissance, dans les 10 jours qui suivent la reprise du travail, le nombre de jours de congés payés dont il dispose et la date jusqu’à laquelle ces jours de congés peuvent être pris, par tout moyen conférant une date certaine à leur réception.
4 | Possibilité d’aménagement conventionnel concernant la durée du report :
Un accord d’entreprise ou d’établissement, ou à défaut une convention collective ou un accord de branche, pourrait fixer une durée de report supérieure à 15 mois.
L’aménagement conventionnel n’est donc prévu qu’à la hausse.
5 | Sort de la période courant du 1er décembre 2009 à l’entrée en vigueur de la loi :
Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, ou de stipulations conventionnelles plus favorables, ces nouvelles dispositions relatives à l’acquisition et au report des droits s’appliqueraient également pour la période courant du 1er décembre 2009 à l’entrée en vigueur de la loi nouvelle.
Ainsi, un salarié qui aurait été absent pour maladie non professionnelle en 2010 pourrait réclamer le bénéfice de l’acquisition des congés payés pendant la maladie, dans la limite de 24 jours par période, après prise en compte des jours de congés déjà acquis pour la même période.
S’agissant des actions visant à obtenir l’octroi de jours de congés payés au titre des périodes d’arrêt de travail antérieures à l’entrée en vigueur de la loi, celles-ci devraient être introduites dans un délai de 2 ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi.
Si le salarié n’agit pas dans les 2 ans, il ne pourrait plus obtenir de droits pour les périodes antérieures à l’entrée en vigueur de la loi, sauf accord amiable avec son employeur.
Selon l’exposé sommaire de l’amendement, ce régime de forclusion ne serait toutefois pas applicable aux salariés dont le contrat de travail aura déjà été rompu à l’entrée en vigueur de la loi. Ceux-ci disposeraient d’une prescription de 3 ans pour agir (trois après la rupture du contrat de travail, pour les 3 années antérieures à la rupture).
NB : Les règles exposées ci-avant sont encore susceptibles d’évoluer à l’occasion de l’étude par de ce projet de loi par la commission mixte paritaire prévue à la mi-avril 2024.